7 BAFTA pour A l’ouest rien de nouveau : le triomphe d’un cinéma tape-à-l’œil et complaisant
La nouvelle adaptation du roman culte d’Erich Maria Remarque est très problématique, sur la forme comme sur le fond.
C’est donc un film allemand, produit par Netflix donc non exploité dans les salles, qui a raflé le plus de récompenses lors de la soirée des « Oscars britanniques », les BAFTA – dont celles de meilleur film et du meilleur réalisateur pour Edward Berger. A l’ouest rien de nouveau (2022) est la première adaptation allemande[1] du roman pacifiste de Remarque, qui fut publié en 1929 et connût un succès mondial, avant d’être brûlé par les nazis sur leurs autodafés dans les années trente. A priori, le projet avait tout pour séduire : une ambition épique, alliée à un point de vue allemand inédit. Malheureusement, le résultat est extrêmement décevant. L’ouverture sur une nature paisible, bientôt troublée par un assaut à la violence crue, fait songer à du Terrence Malick et laisse augurer du meilleur. Faux espoir. Très vite de criants défauts apparaissent : une musique artificielle et assommante[2], des personnages trop schématiques pour que l’on s’y intéresse, des digressions inutiles donnant à l’ensemble une longueur démesurée. On se prend à s’ennuyer ferme à plusieurs reprises, un comble pour un film de guerre. Le sort du héros nous est indifférent, alors même que la séquence finale se voudrait bouleversante.
Plus grave encore, le cinéaste a cru bon de recourir à une violence gratuite excessive pour mieux « dénoncer » les horreurs de la guerre. L’agonie d’un soldat se trouve ainsi étirée au-delà du raisonnable : il s’étouffe dans son sang pendant une longue minute à l’écran. En réalité, cette complaisance dans la violence sert à masquer l’absence de propos véritable sur la guerre. Berger tente vainement de se hisser au niveau de Kubrick dans sa dénonciation des officiers. Il ne parvient qu’à une caricature des scènes d’état-major des Sentiers de la gloire (1957), qui ne brillaient déjà pas par leur subtilité. Quant au dernier tiers du film, qui joue sur le motif des « dernières heures de la guerre » pour créer un suspens crapoteux (une attaque lancée le 11 novembre à 10h30), il sombre dans le ridicule tout en s’éloignant complètement du roman. Soyons justes, il est vrai que la photographie est très belle et quelques séquences de combats sont remarquablement mises en scène. L’assaut central avec l’apparition des chars et l’utilisation de lance-flammes impressionne. Mais l’esthétisation du massacre atteint un raffinement qui pose question.
Enfin, la reconstitution historique de la signature de l’armistice dans un wagon de train au cœur de la forêt de Compiègne laisse une impression de malaise. Tout est fait pour présenter les négociateurs allemands comme étant de bonne volonté face à des Français intransigeants et n’ayant aucun souci de la vie de leurs soldats. Il ne s’agit pas ici de verser dans le chauvinisme et de prétendre que la France n’ait pas eu sa part de responsabilité dans l’étirement de la guerre. Cependant, il me semble que la manière dont Edward Berger présente cet épisode historique s’inscrit dans une vision révisionniste pas si éloignée de celle défendue par les nazis dans les années 1930 pour contester le traité de Versailles. Un comble pour un film adapté de l’œuvre d’un romancier persécuté par le Troisième Reich.
[1] Hollywood produisit très tôt une adaptation, réalisée par Lewis Milestone en 1930 : un chef-d’œuvre.
[2] Musique couronnée aux BAFTAS devant celle de Justin Hurwitz pour Babylon…
Ces "digressions" sont magistrales et exposent des réalités jamais décrites au cinéma. La fièvre prussienne n'a jamais été aussi bien racontée, l'esprit d'obéissance et d'abnégtion du soldat chair à canon non plus. La photographie est époustouflante. Un armistice ne se signe pas la fleur au fusil non, et c'est un film allemand. 1917 c'était un Disney à côté. Ce film est le meilleur sur la WWI.