Astérix 5 n’est pas Mission Cléopâtre mais on évite le calvaire des Jeux Olympiques
La presse n’a pas été tendre avec la superproduction de Guillaume Canet. De fait, le film est insuffisamment drôle et parfois gênant. Mais ce n’est pas le naufrage absolu du film de Thomas Langmann.
Près de 25 ans après la première transposition à l’écran de l’œuvre de Goscinny et Uderzo, Guillaume Canet est le cinquième réalisateur qui se lance dans cette périlleuse aventure. Le moins qu’on puisse dire est qu’Alain Chabat est décidément le seul à avoir su trouver la recette de la potion magique[1]. Astérix et Obélix : mission Cléopâtre réussissait l’exploit d’être un festival de gags à l’esprit contemporain tout en respectant l’univers de la bande-dessinée. Depuis, c’est un film culte dont la popularité ne s’érode pas. La première tentative signée Claude Zidi, Astérix et Obélix contre César avait rencontré un grand succès en salle. Malheureusement, le film était un pudding quelque peu indigeste, compilant plusieurs albums pour produire une aventure divertissante mais à l’humour peu inspiré. Quant à la méga-production (78 millions d’euros de budget) signée Thomas Langmann, Astérix et les jeux olympiques (2008), c’était une catastrophe industrielle, au tournage chaotique émaillé de scandales, jamais drôle et d’une laideur visuelle inégalée. Il y a plus de dix ans, Laurent Tirard n’était pas passé loin de la réussite avec Astérix et Obélix : au service de sa majesté (2012). Malgré un rythme et un humour un peu faiblards, c’était visuellement de bonne tenue. Edouard Baer était un excellent Astérix et Lucchini était savoureux en César. Mais le film, plutôt défendu par la presse, ne su pas trouver son public.
La tâche qui incombait à Canet était donc lourde, un peu trop sans doute. Le fait que le scénario de son Astérix et Obélix : l’empire du milieu soit confié à Philippe Mechelen et Julien Hervé, scénaristes de Tuche, n’a pas aidé. L’histoire originale se tient, tout en restant sans surprise et dotée d’arcs narratifs inutiles (les innombrables amourettes des personnages). Ce qui fait surtout cruellement défaut à cet Astérix c’est l’humour. De nombreux gags ne prennent pas. On sourit parfois mais on ne rit presque jamais. Plusieurs comédiens sont en roue libre : José Garcia horripilant de cabotinage, Marion Cotillard excessive en Cléopâtre. D’autres sont sous-exploités comme Philippe Katerine en Assurancetourix ou Jonathan Cohen à qui on ne donne pas grand-chose de croustillant à jouer. En revanche, si l’on pouvait craindre un flot de caméos inutiles à l’image de l’interminable conclusion des Jeux Olympiques, véritable défilé de stars sans intérêt, les apparitions sont ici plutôt bien intégrées dans le récit (Angèle incarne Falbala, Zlatan Ibrahimhovic un légionnaire romain adulé par l’armée de César, ce qui donne lieu à un gag plutôt réussi lorsqu’il « sort du terrain sur blessure »).
Côté interprétation, Gilles Lellouche s’avère être le digne héritier de Gérard Depardieu pour Obélix, avec sa bonhomie enfantine et sa touchante naïveté. A l’inverse, Guillaume Canet campe un Astérix geignard, en pleine crise existentielle, qui agace plus qu’il ne séduit. Sur le duo de héros, il y a toutefois une belle idée, celle de montrer par un flashback comment Obélix est tombé dans la potion magique. Là où le cinéaste s’en sort avec les honneurs c’est dans la mise en images. Certes, la réalisation n’est pas renversante – le découpage est par exemple mal calibré – mais force est de constater que le budget a été plutôt intelligemment utilisé. Les décors et les costumes sont de bonne facture, les effets spéciaux de la potion magique sont inventifs et la bataille finale est assez réussie. Par ailleurs, quelques clins d’œil fonctionnent bien : Pierre Richard en Panoramix qui s’enfonce dans le sable comme autrefois dans La Chèvre ; Astérix qui lance « quand un type de 130 kilos dit quelque-chose, celui qui en fait 60 … eh ben il n’écoute pas » (hommage à la célèbre réplique écrite par Audiard pour Cent-mille dollars au soleil).
Astérix et Obélix : l’empire du milieu échoue donc à être la grande comédie populaire que l’on était en droit d’espérer. Ce n’est ni très drôle, ni très palpitant. Cependant, le film ne mérite pas d’être complètement démoli – certaines critiques nous semblent un peu excessives dans leur vindicte. Le classement ci-dessous permet de le remettre à sa juste place.
[1] Cette remarque n’est valable que si l’on exclut les films d’animation de notre analyse. Car avec Le domaine des Dieux (2014) et La potion magique (2018), Alexandre Astier et Louis Clichy ont signé deux éclatantes réussites.