Avant-première : Une année difficile de Toledano et Nakache
La nouvelle comédie signée Eric Toledano et Olivier Nakache, qui sortira en octobre 2023, est une réussite qui témoigne des qualités d’écriture du duo.
La singularité de Toledano et Nakache dans le cinéma français réside dans leur capacité à allier une écriture comique exigeante à des problématiques sociales brûlantes. Cette recette qui avait fait le succès planétaire d’Intouchables (2011) n’est cependant pas reproduite de façon mécanique. Le duo n’a de cesse de se renouveler, tantôt en réinventant la comédie chorale de leurs débuts – Le sens de la fête (2017) comme un écho à Nos jours heureux (2006) –, tantôt en assumant une tonalité nettement plus dramatique – Hors normes (2019), leur meilleur film à ce jour. Pour Une année difficile, ils ont eu l’idée de faire se rencontrer l’angoisse de la « fin du mois » et celle « de la fin du monde », deux tendances de fond traversant notre société et que l’on a voulu opposer au moment de la crise des gilets jaunes. Albert (Pio Marmaï) et Bruno (Jonathan Cohen) sont touchés par le surendettement et ils croisent la route de « Cactus » (Noémie Merlant), militante éco-anxieuse, engagée dans une association écologiste spécialisée dans les opérations coup-de-poing[1]. L’investissement très intéressé des deux compères dans le militantisme environnemental est un formidable réservoir de situations comiques, très bien exploité par les scénaristes-réalisateurs.
Ce n’est pas une moindre prouesse que de réussir à mêler deux sujets aussi éloignés. D’autant que les cinéastes y apportent leur rigueur documentaire habituelle. Les personnages, mêmes les plus radicaux, ne sont jamais caricaturés et il n’y a pas de place pour le ricanement facile et hautain. On pourra sans doute regretter que la mise en place soit un peu laborieuse. Mais une fois le principe installé, Toledano et Nakache orchestrent un festival de répliques bien senties et de quiproquos savoureux. Parmi les séquences les plus mémorables, celle de la Banque de France est irrésistible de drôlerie et tendue comme une vraie scène d’action. Les comédiens sont l’autre point fort du film – c’est là une constante du cinéma de Toledano et Nakache. Ils savent toujours trouver les interprètes adéquats, leur offrant au passage un rôle qui marque une carrière : François Cluzet dans Intouchables, Jean-Pierre Bacri dans Le sens de la fête, Vincent Cassel dans Hors normes et Jonathan Cohen, qui trouve dans Une année difficile l’emploi idéal. Sur une palette de registres divers, il démontre un talent trop souvent sous-employé.
On reconnaît aussi les bonnes comédies à leur capacité à éviter les scènes attendues. Ici, le spectateur sent venir à une scène explicative où les personnages soldent leurs comptes. L’urgence absolue de survivre à l’endettement se dresserait alors contre nécessité d’un activisme climatique. Mais par un élégant pas de côté, les enjeux se déportent et amènent à une conclusion pleine de finesse et de poésie – qu’il serait évidemment peu charitable de dévoiler. Alors que le collectif « Les soulèvements de la Terre » vient d’être dissous par le gouvernement et que les positions se durcissent de part et d’autre de l’échiquier politique, Une année difficile devrait réussir l’exploit de séduire largement les spectateurs, quelles que soit leurs convictions.
[1] Les réalisateurs disent s’être inspiré du groupe « Extinction rébellion ».