Les dix meilleurs films de l’année 2023
L’année 2023 s’est achevée et le temps est venu d’en faire le bilan. Voici les dix coups de cœur du Huzar sur le toit.
1. The Fabelmans (Steven Spielberg)
Un grand Spielberg, admirablement mis en scène et d’une belle profondeur thématique. The Fabelmans retrace l’histoire d’une vocation, à travers un apprentissage empirique de la mise en scène, par le bricolage de petits films. C’est aussi le portrait d’une famille juive américaine et l’illustration du tiraillement qui peut surgir entre la volonté d’un adolescent de se consacrer à son art et l’amour qu’il porte à ses proches. Dans une séquence bouleversante, qui évoque Blow up d’Antonioni, le cinéma agit comme révélateur de la vérité la plus crue des êtres. A la fin du film, la rencontre entre le jeune Sammy et le vétéran John Ford offre une conclusion parfaite.
2. Killers of the Flower Moon (Martin Scorsese)
A bien des égards, cette fresque historique d’une ampleur peu commune apparaît comme une revanche sur l’échec du western de Michael Cimino, La porte du paradis, qui marqua symboliquement la fin du Nouvel Hollywood en 1981. Les deux films, extrêmement coûteux, durent plus de 3h30. On y trouve la même volonté d’éclairer une page sombre de l’histoire des Etats-Unis. La mise en scène de Killers of the Flower Moon est assez classique, même si Scorsese s’autorise quelques flamboyances. La durée permet à Scorsese d’offrir ce qu’il sait faire de mieux : l’auscultation des tréfonds d’une âme torturée, ici celle du personnage incarné par DiCaprio.
3. L’enlèvement (Marco Bellocchio)
D’une beauté sidérante et d’une puissance incontestable, L’Enlèvement revient sur l’une des pages les plus sombres de l’histoire de l’Eglise. Dans la première partie du film, le cinéaste restitue avec un grand souci du détail la mécanique du rapt d’Edgardo. Puis, à travers le récit de son endoctrinement, il ouvre sur des perspectives plus vastes : l’histoire de l’absolutisme papal, de l’antisémitisme qui a pu exister dans l’Eglise catholique et enfin du combat pour l’unité de l’Italie. De nombreux plans sont composés comme des tableaux, véritable régal pour les yeux. Pourtant, il n’est point question d’académisme. On trouve, comme toujours chez le cinéaste, des séquences folles mi-cauchemardesques mi-bouffonnes.
4. Oppenheimer (Christopher Nolan)
Le récit labyrinthe mêlant personnages, époques et points de vue rappelle la construction des films d’Oliver Stone, notamment JFK (1992). Ici, c’est la procédure menée en 1954 contre Oppenheimer qui sert de fil rouge à l’intrigue. Comme si Nolan avait surtout voulu traiter du progressif asservissement de la communauté scientifique par l’Etat. Oppenheimer n’en est pas moins le grand film sur la fission nucléaire et sur les risques de la maîtrise de l’atome que l’on attendait. Le cinéaste a trouvé une forme cinématographique capable de traduire la mécanique de la physique quantique et de nous faire plonger dans les méandres du projet Manhattan.
5. Le règne animal (Thomas Cailley)
Ce film impressionne par la finesse de son écriture, la justesse des situations et la beauté de ses effets visuels. Sans jamais sombrer dans le ridicule, ce conte fantastique explore des territoires inédits tout en restant résolument ancré dans le réel. L’une des forces du film est de montrer la transformation de l’homme vers l’animal de manière biologiquement crédible. Ici, pas de métamorphose spectaculaire et rapide comme dans les grands classiques américains du genre. Avec cette mutation progressive, la frontière entre l’homme et l’animal s’amoindrie. Cailley interroge ainsi le moment à partir duquel on atteint un point de non retour.
6. Anatomie d’une chute (Justine Triet)
C’est une palme d’or incontestable, un film puissant et magistral en tout point. Se moulant dans le genre très codifié du film de procès, Triet construit un récit ciselé et passionnant. Par la mobilité de la caméra, la vivacité des dialogues et la qualité de l’interprétation, le film échappe à tous les poncifs de la fiction télévisuelle, à laquelle le genre du film de procès menaçait de le rattacher. Le film aurait déjà été époustouflant de maîtrise s’il s’était contenté de n’être que la dissection d’une vie de couple à travers un procès pour homicide. C’est le traitement du personnage de Daniel, fils de Sandra et Samuel, qui élève le film.
7. The Quiet Girl (Colm Bairéad)
Le silence est une des plus belles qualités du film. Le réalisateur a voulu exprimer l’intensité de la relation naissante entre les personnages sans recourir au dialogue. L’attention portée aux gestes du quotidien, à la lumière, au son de la nature environnante est remarquable. La vérité des personnages et la patiente étude de leurs émotions ténues permet au cinéaste d’orchestrer une séquence conclusive absolument bouleversante. Cáit qui court au ralenti, le montage des petits gestes de tendresse qui ont parcouru le film, une étreinte qui dure sur la belle partition de Stephen Rennicks : The Quiet Girl s’achève sur un bouquet final d’une puissance émotionnelle rare.
8. Le procès Goldman (Cédric Kahn)
Le Procès Goldman entend reconstituer non seulement une affaire judiciaire mais, à travers elle, toute une époque. Le parti-pris du cinéaste est celui d’un hui-clos – car on ne quitte jamais l’enceinte du tribunal d’Amiens –, avec une vraie confiance en la puissance de la parole. Ce qui intéresse Kahn c’est la dialectique déployée par l’accusé, son avocat et l’avocat des parties civiles. La force du Procès Goldman est aussi dans cette capacité à cerner la personnalité ambigüe et bourrée de contradictions d’un accusé hors norme. Dans le rôle de cet homme tour à tour fascinant et irritant, Arieh Worthalter crève littéralement l’écran par sa présence éruptive.
9. L’innocence (Hirokazu Kore-eda)
Sorti le 27 décembre, ce film marque le grand retour d’Hirokazu Kore-eda après deux films plus mineurs (La Vérité et Les bonnes étoiles). Dans la lignée de Nobody Knows (2004) et de I wish (2010), le cinéaste ausculte le monde de l’enfance. Armé d’un scénario à la construction parfaite, qui rappelle celle du Rashômon de Kurosawa et a été justement récompensé à Cannes, L’innocence s’ouvre en sa troisième partie sur le portrait sensible de l’éveil des sentiments chez deux adolescents.
10. Je verrai toujours vos visages (Jeanne Herry)
L’un des films les plus bouleversants de l’année. La caméra circule comme la parole qui se libère – le champ-contrechamp basique est banni. Pas de flashback inutile ici car la cinéaste fait confiance à la puissance des mots, dont l’efficacité est redoutable. Tout est très écrit, les comédiens jouent. Pourtant, on est authentiquement ému. La rigueur de la documentation et de la mise en scène permettent au film d’être constamment juste. Sans l’implication des interprètes, le film n’aurait pas le même impact. Ils sont tous formidables, surtout les actrices.
Et la suite du classement :
11. Il Boémo
12. Winter Break
13. Babylon
14. Les herbes sèches
15. Tar
16. Vers un avenir radieux
17. Nostalgia
18. Mission impossible : Dead Reckoning Part 1
19. La femme de Tchaïkovski
20. Chien de la casse