Les Trois Mousquetaires : un bon blockbuster à la française
En adaptant Dumas, Pathé renoue avec la tradition des cinéromans des années 1920. Un bon divertissement où brillent des comédiens charismatiques.
Pour faire revenir les spectateurs français en salles, Pathé se tourne vers les grandes œuvres du patrimoine littéraire et lance une série d’adaptations de classiques signés Alexandre Dumas : Les Trois Mousquetaires en deux parties cette année et Le Comte de Monte-Cristo l’année prochaine. Ce faisant, la firme renoue avec ce qui fut la recette de son succès il y a cent ans ! Dans les années vingt, Pathé distribuait en effet des cinéromans, films muets à épisodes, adaptés de grandes œuvres littéraires – Les Trois Mousquetaires en 1921, Vidocq en 1923, Les Misérables en 1925. En 2018, Jean-François Richet avait dirigé une première tentative de retour à un cinéma-feuilleton en costumes avec L’Empereur de Paris, nouvelle version des aventures de Vidocq. L’échec commercial de ce film à moitié réussi[1] n’a visiblement pas découragé Pathé, qui a décidé de miser gros avec cette nouvelle production : 70 millions d’euros de budget pour les deux volets des Trois Mousquetaires.
L’ambition du diptyque réalisé par Martin Bourboulon doit être saluée. La proposition faite aux spectateurs est celle d’un cinéma d’aventures, avec un fond historique mais visant avant tout à divertir, dans la lignée des meilleurs blockbusters américains. De ce point de vue, le contrat est rempli[2]. Visuellement, le film tient ses promesses : malgré une photographie parfois un peu lisse, l’ampleur de la production se traduit à l’écran par un beau foisonnement dans les costumes et les décors. Le scénario écrit par Alexandre de la Patellière et Mathieu Delaporte est plutôt de bonne tenue, dessinant de manière efficace une galerie de personnages attachants et une intrigue très prenante. En revanche, sachant que Dumas avait déjà pris quelques libertés à l’égard de la vérité historique, certains ajouts – comme l’attentat final dans l’Eglise de Saint Germain l’Auxerrois – sont peut-être de trop[3].
Les interprètes sont incontestablement le grand atout du film. On sent que les comédiens en sont venus à former une équipe et qu’ils ont pris plaisir à jouer ensemble. François Civil est parfait en D’Artagnan, fougueux, avec un brin de naïveté, très à l’aise dans les cascades. L’interprétation féminine est un sans faute : Lyna Khoudri incarne Constance Bonacieux avec grâce ; Eva Green est une évidence en Milady, comme si Dumas avait écrit le rôle pour elle ; Vicky Krieps campe une Anne d’Autriche fragile, prise entre la fidélité à son époux et la passion amoureuse qui la lie à Buckingham. Quant aux trois mousquetaires, ils ont tous été intelligemment choisis : à Pio Marmaï le fort en gueule (Porthos), à Romain Duris le séducteur invétéré (Aramis), à Vincent Cassel l’âme tourmentée (Athos). Eric Ruf, de la Comédie française, prononce à merveille les répliques de Richelieu, dont l’une est inspirée par un bon mot de Churchill[4]. Enfin, Louis Garrel créé un Louis XIII savoureux, mal assuré en public mais néanmoins gardien scrupuleux du bien de son royaume.
Il y a néanmoins un aspect essentiel des Trois Mousquetaires qui ne fonctionne pas et c’est vraiment dommage. Martin Bourboulon a choisi de filmer les combats à l’épée en plan-séquence afin d’offrir une expérience immersive. Ce faisant, il s’est lancé un défi complexe avec un excès de témérité. La référence évidente est la séquence inaugurale de The Revenant d’Iñárritu tournée en un sublime plan-séquence. Seulement ici, la caméra tremble et l’action manque de lisibilité. Au lieu de pouvoir savourer des duels minutieusement découpés avec un vrai sens du cadre, le spectateur peine à s’y retrouver tant l’exécution est brouillonne. C’est un choix regrettable qui se retourne un peu contre le film, dont l’ambition est pourtant de renouveler le genre du « cape et d’épées ».
Cette réserve étant posée, on a tout de même avec Les Trois mousquetaires un divertissement de bonne qualité, dont on attend la suite (prévue pour décembre) avec impatience.
[1] L’Empereur de Paris n’a réuni que 800 000 spectateurs. Insuffisant pour un film au budget conséquent de 23 millions d’euros.
[2] Les Trois Mousquetaires est bien plus intéressant que n’importe lequel des Marvel actuels.
[3] Certes comme le disait Alexandre Dumas, « il est permis de violer l’Histoire, à condition de lui faire de beaux enfants »…
[4] « La reine préfère le déshonneur à la guerre. Elle aura le déshonneur, et nous aurons la guerre. »