Masters of the air : l’étoffe des héros
Après Band of brothers (2001) et The Pacific (2010), Steven Spielberg et Tom Hanks produisent une troisième minisérie saisissante consacrée à la Seconde guerre mondiale.
La grande force de Masters of the air, comme ses prédécesseurs, c’est de réussir à immerger le spectateur dans l’expérience des soldats de la Seconde guerre mondiale. Ici, ce sont des pilotes de bombardiers : les B-17, véritables forteresses volantes qui sont à la fois d’une grande puissance et peuvent infliger des dégâts colossaux au sol mais aussi très vulnérables face aux canons antiaériens et aux avions de chasse allemands. Pour ces hommes, ce sont des donc des missions quasi-suicide – à chacune d’elles, une grande partie des avions ne reviennent pas. La série montre très bien que les pilotes doivent apprendre à vivre avec l’idée que leurs camarades tombent les uns après les autres, le renouvellement des effectifs étant impitoyable. Réussir à atteindre la 25e mission (qui permet d’être démobilisé) relève de l’impossible. On s’attache d’autant plus aux personnages, particulièrement au duo incarné par les comédiens Austin Butler et Callum Turner.
Visuellement, Masters of the air est une merveille qui mériterait d’être vue sur grand écran. Le budget de 300 millions de dollars est palpable, notamment dans les séquences de combat aérien. La violence et le danger traversés par les pilotes sont remarquablement rendus. La précision de la mise en scène permet de reconstituer le déroulement des missions, de la planification à l’exécution. On retient sa respiration lorsqu’on est plongé dans l’espace confiné du B-17. La série est également passionnante dans sa seconde partie lorsque se déploient les trajectoires diverses suivies par les pilotes : ceux dont les avions ont été abattus et qui traversent la Belgique et la France grâce à un réseau de résistance ; des pilotes noirs appartenant à une compagnie à part (témoignage de la ségrégation à l’œuvre dans l’armée de l’air américaine) ; ceux qui sont enfermés dans les camps de prisonniers en Allemagne. Ce séjour carcéral est montré dans toute son âpreté, bien plus que dans les grands classiques du cinéma hollywoodien auxquels on songe immanquablement (Stalag 17 de Billy Wilder ou La grande évasion de John Sturges[1]).
Grâce à une acrobatie scénaristique (l’un des pilotes s’écrase au-dessus du front russe puis traverse la Pologne), une brève séquence montre un camp d’extermination à l’abandon. La ficelle est certes un peu artificielle mais cette évocation de la Shoah est à la fois sobre et juste. Elle permet de rappeler la nature de l’ennemi auquel faisait face les Américains. Débarrasser le monde du nazisme, régime totalitaire, génocidaire et antisémite, telle était alors la mission véritable des pilotes. Spielberg, qui officie comme producteur, poursuit ainsi son entreprise historique initiée avec la Liste de Schindler et Il faut sauver le soldat Ryan. En exaltant un héroïsme à l’ancienne face au nazisme, Masters of the air en appelle aux valeurs fondatrices des Etats-Unis. N’est-ce pas ce dont l’Amérique de 2024 a besoin ?
[1] Le sort des 50 évadés anglais, rattrapés et exterminés par les Allemands est d’ailleurs évoqué au détour d’un dialogue.