Mission impossible : la fin d’une saga exemplaire
Annoncé comme le dernier volet d’une série portée par Tom Cruise depuis trente ans, Final Reckoning n’est pas sans défauts mais le plaisir reste là.
En 1996, Brian de Palma revisitait la série télévisée Mission Impossible et proposait un film d’espionnage paranoïaque, très influencé par Hitchcock et doté de scènes d’action survitaminées. Trente ans plus tard, l’agent Ethan Hunt est de retour pour une huitième (et ultime ?) aventure. A 62 ans, Tom Cruise a décidé qu’il était temps de retourner vers un cinéma d’auteur qu’il a délaissé depuis près de deux décennies – il vient de tourner dans le prochain film d’Iñárritu (réalisateur de Babel, Birdman et The Revenant). Il s’agit là d’un retour aux sources puisque le génie de cet acteur dans les années 1990-2000 résidait dans sa capacité à alterner de manière équilibrée les films de divertissement et les collaborations avec de grands cinéastes (Oliver Stone, Stanley Kubrick, Paul T. Anderson, Steven Spielberg). Si Tom Cruise a acquis la réputation d’avoir sauvé Hollywood en 2022 avec l’immense succès de Top Gun : Maverick dans un contexte post-pandémie, la saga Mission impossible, elle, a sauvé sa carrière d’acteur (après un passage très difficile entre 2005 et 2015). Hormis l’épisode réalisé par John Woo, M. I : 2 (2000), qui a terriblement mal vieilli, l’ensemble des films de la série sont de haute tenue. En 2006, J. J. Abrams réinjectait un sens du feuilleton et du travail d’équipe avec M I-3. Brad Bird, venu de l’animation Pixar, a ensuite su préparer un cocktail savamment dosé dans Le protocole fantôme (2011). Depuis le cinquième volet, c’est Christopher McQuarrie qui a repris en main la saga, avec des intrigues habilement écrites, des cascades à l’ancienne et une bonne dose d’humour. Rogue Nation (2015), Fallout (2018) et Dead Reckoning (2023) constituent trois éclatantes réussites.
Disons le d’emblée, Final Reckoning se place en deçà de ses prédécesseurs signés McQuarrie. D’abord parce que la légèreté inhérente à Mission impossible a disparu. Ethan Hunt a face à lui l’Entité, sorte d’intelligence artificielle surpuissante qui vise l’anéantissement de l’humanité. Les enjeux sont plus sombres que jamais et même le facétieux Simon Pegg tire la grimace. Le fait que l’intrigue s’étire sur 2h49 et se mette en place de manière excessivement bavarde n’arrange rien. La répétition de certains effets déjà utilisés avec plus de brio par le passé – bombe à désamorcer, cascade aérienne – donne également une impression de recyclage. Autre bémol, la toute dernière scène qui orchestre de mièvres adieux s’avère être une conclusion un brin décevante. Malgré tout, ce Mission Impossible 8 constitue un spectacle recommandable parce qu’il offre plusieurs moments d’anthologie. Au cœur du film se trouve une extraordinaire séquence tournée dans un sous-marin à plusieurs dizaines de mètres de profondeur. Ce petit chef-d’œuvre de mise en scène, d’une durée de vingt minutes, met le spectateur en apnée. On songe au James Cameron d’Abyss (1989) ou plus récemment d’Avatar : la voie de l’eau (2022). Rien que pour cette scène, le film vaut la peine d’être vu. On apprécie enfin les montages rapides d’images puisées dans les différents opus de la saga : d’une belle fluidité, ce kaléidoscope rappelle que Mission Impossible est l’une des meilleures séries d’action qu’Hollywood a jamais produite.