Parution : Les imaginaires de la Révolution au cinéma
Le 3 juillet prochain paraîtra le livre issu de ma thèse sur la reconstitution de la Révolution française à l'écran (France, 1895-1945).
Entre 2016 et 2020, j’ai travaillé sur une thèse en études cinématographiques sous la direction d’Antoine de Baecque. Près de cinq ans après ma soutenance, cette recherche va prendre la forme d’un livre de 400 pages, richement illustré. Voici un extrait de sa conclusion :
“De toutes les périodes historiques reconstituées par le cinéma, la Révolution française est l’une des plus représentées, sans pour autant que cette importance quantitative donne lieu à la constitution d’un genre cinématographique. Dès 1897, elle inspire à la firme Lumière quelques-uns de ses tout premiers tableaux historiques, Mort de Marat et La mort de Robespierre. Le cinéma des premiers temps convertit les épisodes les plus saillants de la Révolution en attractions, une tendance qui culmine avec le Marie-Antoinette édité par Pathé en 1903. Entre 1908 et 1912, un grand nombre de films ayant pour sujet la Révolution sont exploités. L’étude quantitative que nous avons menée sur l’ensemble de la production des firmes Pathé, SCAGL et le Film d’Art, confirme qu’il existe alors une vraie mode du ‘film de Révolution’. Certaines bandes connaissent un important succès comme Charlotte Corday, La fin de Robespierre ou Camille Desmoulins. Nourrissant les quatre imaginaires de la Révolution – Terreur, Nation, Liberté, Guerre civile – ces films reprennent un ensemble de motifs et de formes avec lesquels le public s’est désormais familiarisé. Les conditions semblent donc réunies pour qu’un genre cinématographique puisse éclore. Pourtant, dès avant la Grande guerre, la veine paraît décliner.
L’inachèvement du Quatrevingt-Treize d’Albert Capellani puis son échec relatif en 1921 portent un coup sévère au ‘film de Révolution’, alors que la guerre a déjà réduit au silence ces imaginaires. Des années plus tard, lorsque le journaliste Louis Saurel esquisse un bilan de la reconstitution de la Révolution à l’écran, Quatrevingt-Treize est mentionné comme l’un des premiers films jamais réalisés sur le sujet, ce qui montre l’oubli dans lequel est tombée toute l’abondante production d’avant-1914. Dans les années vingt, les Cinéromans semblent pendant un temps redonner naissance à une vogue dont le sommet se situe au mois de décembre 1925, lorsque sortent presque simultanément Destinée, Madame Sans-Gêne et Jean Chouan. La fresque hors normes réalisée par Abel Gance, Napoléon, aurait pu constituer le succès à partir duquel le ‘film de Révolution’ se serait consolidé. Mais le caractère non-reproductible des innovations ganciennes autant que l’exploitation chaotique du film l’ont empêché de devenir une œuvre matricielle. A partir de 1929, l’arrivée du son dans les productions cinématographiques, si elle constitue une aubaine économique, freine considérablement les velléités de reconstitution historique. La Révolution fait d’abord un retour laborieux au cinéma avec Danton, avant que Gance ne livre une version sonore de son Napoléon et que Jean Renoir ne s’attèle à La Marseillaise. La fin des années trente est justement marquée par un goût renouvelé pour la fresque révolutionnaire, que les échecs du film de Renoir et de Vive la Nation viennent cependant refroidir. Sous l’Occupation, les reconstitutions historiques se tournent vers des périodes plus neutres idéologiquement. Paméla constitue donc une exception mais reste de l’ordre du divertissement inoffensif.
En 1945, cinquante ans après l’invention du cinématographe, la Révolution a donc été très représentée mais, paradoxalement, aucune œuvre filmique ne semble être parvenue à s’approcher de son essence. Alors qu’aux Etats-Unis le Civil War Film constitue un genre en soi, dont les racines remontent aux années 1910, le ‘film de Révolution’ n’est qu’une branche du film historique à la française. Les propositions de reconstitution de la Révolution à l’écran sont néanmoins d’une grande richesse thématique et formelle, avec les quatre grands imaginaires que nous nous sommes proposés d’étudier. Jusqu’à la Libération, les liens qui se nouent entre ces imaginaires cinématographiques et l’écriture de l’histoire ainsi que la vie politique ne cessent d’évoluer. En produisant des films ancrés dans la période de la Révolution, le cinéma se saisit d’un imaginaire politique qui est à l’arrière-plan de nombreuses constructions doctrinales du XIXème siècle et qui structure la vie politique française. Se contentant longtemps de réemployer des motifs préexistants, les films construisent progressivement des imaginaires qui leur sont propres et qui, en retour, peuvent influencer la société”.
François Huzar, Les imaginaires de la Révolution au cinéma. France, 1895-1945, Presses universitaires de Rennes, 2025, 30 euros.
Bravo à toi pour la publication de ta thèse. Je retiendrai l idée des quatre imaginaires de la révolution
Jean Pierre