Pas de vagues : une spirale anxiogène
Dans le genre des films scolaires, Pas de vagues est une belle réussite qui doit autant à son réalisateur Teddy Lussi-Modest qu’à son principal interprète, François Civil.
Le film doit beaucoup à la personnalité du réalisateur Teddy Lussi-Modest qui est tout à fait originale dans le paysage du cinéma français. Diplômé de la Fémis en section scénario, il est aussi professeur de Lettres et exerce dans un collège d’Aubervilliers. A la fois enseignant et cinéaste – Pas de vagues est son troisième long-métrage – Lussi-Modest a donc de sérieux atouts pour éviter les pièges inhérents à la représentation de l’univers scolaire à l’écran. En prise avec la réalité du terrain, il dépeint avec une grande justesse la vie d’un établissement : le déroulement d’un cours, les interactions en salle des professeurs (avec la pratique du vote à main levé pour les décisions collectives), certaines attitudes chez les élèves. Pour les seconds rôles, la petite galerie d’élèves donne un reflet assez pertinent de la diversité des profils sans sombrer dans les clichés, contrairement à des films où la caractérisation des jeunes souffre d’un décalage entre les représentations des cinéastes, qui datent de leur propre expérience d’élèves, et la jeunesse d’aujourd’hui.
Partant de son expérience et notamment d’une affaire d’accusation de harcèlement qu’il a personnellement vécue, Teddy Lussi-Modest a construit son film comme un « thriller scolaire ». Sur ce plan également, Pas de vagues se révèle très efficace. Le scénario, écrit à quatre mains avec Audrey Diwan, propose une série de péripéties qui font entrer le professeur dans une spirale infernale. Si le constat est désespérant, tout est néanmoins crédible : le fait que tout parte d’une incompréhension et d’une imprudence du professeur, le rôle des réseaux sociaux et de la rumeur, la posture dans laquelle s’enferment certains élèves et certains membres de l’administration. Documenté et précis, Pas de vagues est un film nécessaire parce qu’il dénonce une forme de lâcheté ayant cours chez les cadres de l’Education nationale. On peut regretter les détours de l’intrigue sur la vie privée du personnage principal qui, en ajoutant la problématique de la difficile acceptation de l’homosexualité en banlieue, surcharge inutilement le film.
Hormis cette limite, Pas de vagues s’avère aussi réussi sur la forme que sur le fond. La mise en scène est parfaitement ajustée à l’atmosphère qui se tend progressivement. Le réalisateur utilise le décor de la salle de classe avec intelligence et y circule avec des plans-séquence bien menés. Dès la première scène, on est frappé par l’utilisation diégétique d’un air tiré des Quatre saisons de Vivaldi, dont on comprend plus tard dans le film qu’il s’agit de la sonnerie de l’établissement. Quant à François Civil, il excelle dans le rôle du professeur d’abord très charismatique et que l’on voit petit à petit perdre pied.