Tapie et Bernadette : deux histoires françaises
Distribués par des sociétés américaines (Netflix et Warner Bros), Tapie et Bernadette revisitent deux personnalités singulières qui ont marqué la France des années 1990.
Il est assez réjouissant de voir des cinéastes s’emparer de l’histoire politique récente, en utilisant le genre du biopic sans rester prisonnier de ses codes. Il peut paraître incongru de réunir ces deux fictions en une même chronique. On a d’un côté une minisérie, divisée en sept épisodes, et de l’autre une comédie. En outre, beaucoup de choses séparent Bernard Tapie, entrepreneur brillant, issu d’un milieu populaire, qui parvint au somment en dirigeant l’Olympique de Marseille puis en devenant ministre de Mitterrand, et Bernadette Chirac, aristocrate revendiquant son conservatisme, épouse de celui qui fut Président de la République de 1995 à 2007. Malgré tout, ces deux œuvres méritent d’être rapprochées. D’abord, elles ont été réalisées par des « enfants de » : le réalisateur de Tapie est le fils de Jacques Séguéla, publicitaire proche de Bernard Tapie, et la réalisatrice de Bernadette est la fille de Nicolas Domenach, journaliste politique et l’un des biographes de Jacques Chirac. Cette proximité avec leur source d’inspiration aurait pu être un problème mais les libertés prises avec les personnages permettent d’éviter le piège de l’hagiographie officielle.
Ecrit par Olivier Demangel (à qui l’on doit le scénario de Novembre), Tapie est intelligemment découpé en une suite de coups de projecteurs sur les moments essentiels de la vie du personnage : audace et échecs des premières créations d’entreprises, reprise de Diguet-Deny puis de Wonder, animation d’une émission télévisée à succès, expérience au ministère de la ville, direction de l’OM et enfin démêlés avec la justice pour l’affaire du match truqué à Valenciennes. La reconstitution de chaque époque est élégante sans verser dans le fétichisme. Le tout est réalisé avec énergie et doté de dialogues aussi féroces que drôles. Cerise sur le gâteau : une formidable séquence de 25 minutes restituant le duel entre Tapie et le procureur Eric de Montgolfier, remarquablement écrite et mise en scène.
Retraçant les années élyséennes du couple Chirac, Bernadette est une comédie légère, suffisamment pétillante pour emporter l’adhésion. L’ouverture en forme de Gospel décalé est pleine de promesses. Le scénario tire un bon parti des situations et l’on s’amuse plutôt, notamment grâce aux bons mots de la première dame et à une galerie de comédiens inspirés – Denis Podalydès toujours irrésistible et Michel Vuillermoz qui s’approprie le personnage de Jacques Chirac de manière réussie. On peut simplement regretter que la satire ne soit pas plus mordante. L’autre limite principale, que ce film partage d’ailleurs avec la série consacrée à Bernard Tapie, réside dans les raccourcis historiques un peu gênants (un Chirac effondré par le score de Jean-Marie Le Pen, alors qu’on peut le soupçonné d’avoir stratégiquement favorisé son ascension).
En guise de conclusion, notons que les deux œuvres disposent d’un atout majeur : la force de leur interprète principal. Laurent Lafitte est extraordinaire et offre au personnage de Tapie une complexité indispensable. Quant à Catherine Deneuve, elle est tout simplement impériale en Bernadette Chirac. A 80 ans, elle reste la reine des comédiennes françaises.