Victoria et Sibyl : les deux précédents films de Justine Triet
Alors que la cinéaste française vient de recevoir la Palme d’or au Festival de Cannes, retour sur ses deux précédentes réalisations.
N’ayant pas eu la chance de me rendre au Festival de Cannes, il me faudra patienter jusqu’à la fin août pour découvrir Anatomie d’une chute, le film de Justine Triet récompensé samedi dernier de la Palme d’or. Encensé par la critique, ce thriller aux accents hitchcockiens semble très alléchant. Il s’agit du quatrième film d’une réalisatrice qui écrit elle-même ses films, parfois avec la collaboration de son compagnon, Arthur Harari – réalisateur de l’extraordinaire Onoda, 10 000 nuits dans la jungle (2021)[1]. Les deux derniers en date, Victoria (2016) et Sibyl (2019) étaient marqués par une grande originalité de ton et une belle ambition romanesque, l’un étant très réussi, l’autre beaucoup moins.
Présenté en ouverture de la Semaine de la critique à Cannes en 2016, Victoria avait su séduire un large public (650 000 entrées). Cette comédie un peu foutraque mais très attachante suit une avocate au bord de la crise de nerfs (Virginie Effira), qui recrute un ancien dealer (Vincent Lacoste) pour garder ses deux filles. Avec ses situations cocasses bien senties – le singe convoqué comme témoin lors du procès –, ce film dégage une énergie communicative, dont on devine l’inspiration hawksienne[2]. L’inattendu duo, formé par une Virginie Efira ébouriffante et un Vincent Lacoste nonchalant, est savoureux. Les personnages sont tous un peu perdus et ils se livrent facilement à l’introspection, rappelant en cela ceux des films de Woody Allen. C’est aussi une comédie qui ne manque pas de fond, tant sur la vie sentimentale compliquée de l’héroïne que sur sa détresse psychologique.
Présenté en sélection officielle à Cannes en 2019, Sibyl fut en revanche une déception. Justine Triet y faisait de nouveau appel à Virginie Efira, entourée par une distribution brillante (Gaspard Ulliel, Adèle Exarchopoulos, Sandra Hüller, Niels Schneider). L’héroïne est cette fois une psychanalyste reconvertie dans l’écriture, qui utilise la détresse de l’une de ses patientes comme source d’inspiration. Au sein d’un récit éparpillé et inutilement ampoulé, se dessine une mise en abîme du cinéma, avec des références un peu trop voyantes (au Mépris de Godard et au Stromboli de Rossellini notamment). La complexité de l’intrigue ne peut masquer la superficialité des situations et des personnages, plutôt antipathiques au demeurant. Mêlant comédie et thriller, le film n’est convaincant dans aucun de ces deux registres. Justine Triet pensait peut-être à Sibyl, reparti bredouille de Cannes et peu plébiscité par le public (340 000 entrées), lorsqu’elle revendiquait samedi dernier le droit de « se tromper et de recommencer ».
[1] Justine Triet et Arthur Harari ont signé ensemble les scénarii de Sibyl (2019) et d’Anatomie d’une chute qui vient de recevoir la palme d’or.
[2] Howard Hawks, cinéaste américain, est l’auteur des comédies cultes L’impossible monsieur bébé (1938), La dame du vendredi (1940) et Chérie, je me sens rajeunir (1952).